Page:De Théis - Oeuvres complètes, Tome 3, 1842.djvu/88

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
85
D’UNE FEMME SENSIBLE.

désordre, pâle, épouvantée, poursuivie par un vieillard audacieux : que durent-ils penser, grand Dieu ! l’humiliation pouvait-elle être plus forte ? Je passai devant eux, accablée du poids de ma honte ; jamais trajet ne me parut si long : une mer de feu m’eût semblé moins pénible à traverser ; mais on a quelquefois une force qu’on ignore soi-même : je me vis enfin hors de votre maison ; la porte se referma sur moi, et je me crus soulagée de la plus cruelle de mes douleurs.

Hélas ! le sort ne voulait m’en épargner aucune. Charles me suivait ; je jetai les yeux sur lui, et je fus frappée du bouleversement de ses traits ; ils étaient comme décomposés. Je m’attendais à ses reproches, j’en avais besoin ; il ne m’en fit aucun. Que sa réserve me fit mal ! Elle me montra toute l’étendue de mon malheur ; je compris qu’il était sans remède. Je me vis tour à tour l’objet des railleries du prince de R…, des injurieuses conjectures de vos gens, la fable de tout un public avide de malignité et de scandale ; et, soit que cette simple circonstance eût en effet comblé la me-