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PENSÉES.

observé, c’est s’être ravi à soi-même, sans s’en apercevoir, les moyens d’être vraiment heureux. Ces multitudes de choses, de mœurs, d’erreurs, de passions qui ont comme passé devant les yeux, désenchantent de toutes les illusions que l’on pouvait se faire ; ces créatures qui sont partout les mêmes, qui naissent, vivent et meurent pour faire place à d’autres auxquelles des milliers d’autres devront succéder ; ce grand spectacle, ce tableau à la fois éternel et toujours renaissant des grandeurs et des misères humaines ne laissent en résultat dans l’esprit qu’une forte impression, celle d’un monde périssable et d’une vie passagère et hasardeuse. On ne se voit plus que ce qu’on est réellement ; qu’un atome dans l’immensité des êtres, et à qui il doit être indifférent de vivre ici ou là, d’être puissant ou misérable, renommé ou obscur, pourvu qu’il existe. On perd à ses yeux sa propre dignité, la juste ambition, la nécessité de la prévoyance ; on sourit des plus grandes choses ; on raisonne froidement sur les événements, les hommes, les bouleversements des états, ceux même de la na-