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D’UNE FEMME SENSIBLE.

force de notre jugement. Peut-être, au contraire, cesse-t-elle alors de le troubler. Quoi qu’il en soit, écoutez-moi, mon ami, écoutez-moi avec attention.

Je vous tourmente, je le sens ; je suis jalouse, ridiculement jalouse ; il ne se passe presque aucun jour sans qu’un nouvel objet ne devienne pour moi la source d’une nouvelle douleur. Mlle de L…, Mlle de C…, ont tour à tour porté le désespoir dans mon sein. Aujourd’hui, c’est madame de B… Ai-je tort, ai-je raison ? je ne le sais pas ; je ne veux pas le savoir. Vous vous justifierez sans doute cette fois comme les autres, c’est tout ce qu’il me faut. Je vous croirai, quoi que vous me disiez. Que le ciel me préserve de douter des paroles de l’homme à qui j’ai donné mon cœur ! Mais si cette suite de soupçons allait altérer votre amour, j’en mourrais ; je mourrais du chagrin seul de m’être attiré un si terrible malheur. Cependant, je ne puis me vaincre ; je ne le puis pas, en vérité. Je ne vous laisse voir même qu’une bien faible partie de mes tourments. Il y a dans ces émotions violentes je ne sais quelle sorte de pudeur qui fait craindre de les mon-