Page:De Théis - Oeuvres complètes, Tome 3, 1842.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
D’UNE FEMME SENSIBLE.

tif pour déchirer si cruellement mon cœur ! Les hommes sont bizarres ; ils ne savent rien refuser à une femme qui leur est étrangère, et celle qui mérite le plus leurs égards semble toujours celle qui en obtient le moins. Mon saisissement, mes regards suppliants, rien n’a pu t’arrêter, rien. Tu es parti ; je suis restée là, debout, immobile ; je t’ai suivi des yeux donnant la main à cette femme. Je l’ai vue monter en voiture. Puis toi, toi près d’elle ! Le bruit de la portière, lorsqu’on l’a fermée, m’a presque renversée ; celui des roues, lorsque l’on est parti, m’a fait pousser un long gémissement ; il me semblait qu’elles emportaient ma vie, qu’elles broyaient mon cœur. Mes forces diminuaient à mesure que le bruit s’affaiblissait ; et quand le dernier murmure s’est perdu dans l’air, j’ai cru ne plus exister, et je suis tombée mourante sur un siége. Le jeune comte Alfred, qui, sans doute, a pris pitié de moi, s’est approché, et m’a offert son bras que j’ai pris machinalement. Il m’a dit je ne sais quoi, et m’a conduite à ma voiture, où il est monté après moi, sans que j’eusse même la pensée de l’en empêcher. Il a parlé