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LES RÉACTIONNAIRES D’ARRAS.

PAR L’ARCHITECTE P. H. SCHELTEMA.

M. Greshoff a rapporté de Paris au journal hollandais « De Telegraaf », qu’il y a deux conceptions concernant la reconstruction des régions dévastées de la France, c’est à dire, qu’il y a deux partis, qu’on pourrait désigner comme conservateurs et novateurs.

Les conservateurs veulent rebâtir tout ce qui a été ruiné dans les formes, qui existaient avant la guerre. Ils se proposent de faire des nouveaux édifices, à l’aide de photographies, dessins et plans, des copies minutieuses du passé ; la plus petite modification est pour eux un sacrilège. Ils fondent leur point de vue sur l’histoire, sur le caractère de la région, qui doit être maintenu rigoureusement, mais ils oublient, qu’à côté du caractère régional, le caractère de l’époque et les formes de la vie sociale et économique ont leur influence sur le style de l’architecture.

Les novateurs, bien que plein de révérence et d’admiration pour le passé, reconnaissent cependant que le passé est passé pour toujours et que l’amour du passé ne doit jamais se réduire à un manque de respect pour le présent et pour les exigences impératives d’un nouveau siècle. Les novateurs veulent conserver quelques ruines célèbres — la cathédrale de Reims, l’Hôtel-de-Ville d’Arras — comme ruines, « pour ne pas oublier » d’abord, et puis, parce que dans l’état de désolation tragique quelques fragments de l’ancienne beauté ont été conservés splendidement.

Mais, du reste, ils veulent rebâtir tous les bâtiments publics et toutes les maisons particulières selon les projets de jeunes architectes, qui prononceront dans les formes de leur architecture des désirs nouveaux et des idées originales.

Voici la contradiction dans sa forme la plus sévère, mais les partis sont disposés à se faire réciproquement quelques concessions. Les conservateurs parlent déjà d’un accord avec l’aspect général de la ville et avec les formes traditionnelles.

Le capitaine Goniaux, architecte à Douai et lié dans cette qualité au service de reconstruction de la préfecture, a formulé son opinion, à peu près, comme suit :

«  Reconstruction dans le style de la région c’est pour le Nord une variation traditionnelle de la Renaissance flamande, mais conforme aux exigences modernes de confort et d’hygiène ». Le capitaine Goniaux a horreur des novateurs »