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CORINNE OU L’ITALIE.

séparée du reste de l’Europe, et par la mer qui l’entoure, et par cette contrée dangereuse qu’il faut traverser pour y arriver. On dirait que la nature s’est réservée le secret de ce séjour de délices, et qu’elle a voulu que les abords en fussent périlleux. Rome n’est point encore le midi : on en pressent les douceurs, mais son enchantement ne commence véritablement que sur le territoire de Naples. Non loin de Terracine est le promontoire choisi par les poëtes, comme la demeure de Circé, et derrière Terracine s’élève le mont Anxur, où Théodoric, roi des Goths, avait placé l’un des châteaux forts dont les guerriers du nord couvrirent la terre. Il y a très-peu de traces de l’invasion des barbares en Italie, ou du moins là où ces traces consistent en destructions, elles se confondent avec l’effet du temps. Les nations septentrionales n’ont point donné à l’Italie cet aspect guerrier que l’Allemagne a conservé. Il semble que la molle terre de l’Ausonie n’ait pu garder les fortifications et les citadelles dont les pays du nord sont hérissés. Rarement un édifice gothique, un château féodal s’y rencontre encore, et les souvenirs des antiques Romains règnent seuls à travers les siècles, malgré les peuples qui les ont vaincus.