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CORINNE OU L’ITALIE.

qu’un ami. Elle essaya de rappeler sa raison, de se retracer ce qui s’était passé : long-temps elle eut de la peine à se souvenir de ce qu’elle avait fait, et des motifs qui l’avaient décidée. Peut-être commençait-elle a trouver son sacrifice trop grand, et pensait-elle à dire au moins un dernier adieu a lord Nelvil, avant de quitter l’Angleterre, lorsque le jour qui suivit celui ou elle avait repris connaissance, elle vit dans un papier public, que le hasard fit tomber sous ses yeux, cet article-ci :

« Lady Edgermond vient d’apprendre que sa belle-fille, qu’elle croyait morte en Italie, vit et jouit à Rome, sous le nom de Corinne, d’une très-grande réputation littéraire. Lady Edgermond se fait honneur de la reconnaître et de partager avec elle l’héritage du frère de lord Edgermond qui vient de mourir aux Indes.

Lord Nelvil doit épouser dimanche prochain miss Lucile Edgermond, fille cadette de lord Edgermond, et fille unique de lady Edgermond, sa veuve. Le contrat a été signé hier. »

Corinne, pour son malheur, ne perdit point l’usage de ses sens en lisant cette nouvelle : il se fit en elle une révolution subite, tous les intérêts de la vie l’abandonnèrent ;