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CORINNE OU L’ITALIE.

de pleurs couvrit mon visage, tous mes souvenirs se ranimèrent : rien ne retrace le passé comme la musique ; elle fait plus que le retracer, il apparaît, quand elle l’évoque, semblable aux ombres de ceux qui nous sont chers, revêtu d’un voile mystérieux et mélancolique. Les musiciens chantèrent ces délicieuses paroles de Monti, qu’il a composées dans son exil :


Bella Italia, amate sponcle,
Pur vi torno à riveder.
Trema in petto c si confonde
L’alma oppressa dal piacer[1].
………

J’étais dans une sorte d’ivresse, je sentais pour l’Italie tout ce que l’amour fait éprouver, désir, enthousiasme, regrets ; je n’étais plus maîtresse de moi-même, toute mon ame était entraînée vers ma patrie : j’avais besoin de la voir, de la respirer, de l’entendre, chaque battement de mon cœur était un appel à mon beau séjour, à ma riante contrée ! si la vie était offerte aux morts dans les tombeaux, ils ne soulèveraient pas la pierre qui les couvre avec plus d’impatience que

  1. Belle Italie, bords chéris, je vais donc vous revoir encore ; mon ame tremble et succombe à l’excès de ce plaisir.