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CORINNE OU L’ITALIE

Castel-Forte, que de trouver une personne à la fois susceptible d’enthousiasme et d’analise, douée comme un artiste et capable de s’observer elle-même, qu’il faut la conjurer de nous révéler, autant qu’elle le pourra, les secrets de son génie. — Ce talent d’improviser, reprit Corinne, n’est pas plus extraordinaire dans les langues du midi, que l’éloquence de la tribune, ou la vivacité brillante de la conversation dans les autres langues. Je dirai même que malheureusement il est chez nous plus facile de faire des vers à l’improviste que de bien parler en prose. Le langage de la poésie diffère tellement de celui de la prose, que, dès les premiers vers, l’attention est commandée par les expressions mêmes qui placent pour ainsi dire le poëte à distance des auditeurs. Ce n’est pas uniquement à la douceur de l’italien, mais bien plutôt à la vibration forte et prononcée de ses syllabes sonores, qu’il faut attribuer l’empire de la poésie parmi nous. L’italien a un charme musical qui fait trouver du plaisir dans le son des mots presque indépendamment des idées ; ces mots d’ailleurs ont presque tous quelque chose de pittoresque, ils peignent ce qu’ils expriment. Vous sentez que c’est au milieu des arts et sous un beau ciel que ce langage mélodieux et coloré