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CORINNE OU L’ITALIE

elle : sans doute elle m’a très-bien reçu ; mais ses yeux étaient attachés sur la porte pour regarder si vous me suiviez. Elle a essayé un moment de parler d’autre chose ; mais comme c’est une personne très-vive et très-naturelle, elle m’a enfin demandé tout simplement pourquoi vous n’étiez pas venu avec moi. Je vous ai blâmé ; vous ne m’en voudrez pas : j’ai dit que vous étiez une créature sombre et bizarre ; mais je vous épargne d’ailleurs tous les éloges que j’ai faits de vous.

— Il est triste, m’a dit Corinne ; il a perdu sans doute une personne qui lui était chère. De qui porte-t-il le deuil ? — De son père, madame, lui ai-je dit, quoiqu’il y ait plus d’un an qu’il l’a perdu ; et comme la loi de la nature nous oblige tous à survivre à nos parens, j’imagine que quelqu’autre motif secret est la cause de sa longue et profonde mélancolie. — Oh ! reprit Corinne, je suis bien loin de penser que des douleurs, en apparence semblables, soient les mêmes pour tous les hommes. Le père de votre ami et votre ami lui-même ne sont peut-être pas dans la règle commune, et je suis bien tentée de le croire. — Sa voix était très-douce, mon cher Oswald, en prononçant ces derniers mots. — Est-ce là, reprit Oswald, toutes les preuves d’intérêt que vous m’annoncez ? — En