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CORINNE OU L’ITALIE

plus heureux. Je vous parlerai anglais quelquefois, mais pas toujours ; l’italien m’est cher : j’ai beaucoup souffert, dit-elle en soupirant, pour vivre en Italie. —

Le comte d’Erfeuil fit des reproches aimables à Corinne de ce qu’elle l’oubliait tout à fait en s’exprimant dans des langues qu’il n’entendait pas. — Belle Corinne, lui dit-il, de grâce, parlez français, vous en êtes vraiment digne. — Corinne sourit à ce compliment, et se mit à parler français très-purement, très-facilement, mais avec l’accent anglais. Lord Nelvil et le comte d’Erfeuil s’en étonnèrent également ; mais le comte d’Erfeuil, qui croyait qu’on pouvait tout dire, pourvu que ce fût avec grace, et qui s’imaginait que l’impolitesse consistait dans la forme, et non dans le fond, demanda directement à Corinne raison de cette singularité. Elle fut d’abord un peu troublée de cette interrogation subite, puis, reprenant ses esprits, elle dit au comte d’Erfeuil : — Apparemment, monsieur, que j’ai appris le français d’un Anglais. — Il renouvela ses questions en riant, mais avec instance. — Corinne s’embarrassa toujours plus, et lui dit enfin : — Depuis quatre ans, monsieur, que je suis fixée à Rome, aucun de mes amis, aucun de ceux qui, j’en suis sûre, s’intéressent beaucoup à moi, ne m’ont in-