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CORINNE OU L’ITALIE

— Vous viendrez avec moi, dit le comte d’Erfeuil. — Hé bien oui, répondit lord Nelvil avec un embarras très-visible. — Pourquoi donc, continua le comte d’Erfeuil, pourquoi s’être tant plaint de ce que j’ai fait ? vous finissez comme j’ai commencé ; mais il fallait bien vous laisser l’honneur d’être plus réservé que moi, pourvu toutefois que vous n’y perdissiez rien. C’est vraiment une charmante personne que Corinne, elle a de l’esprit et de la grâce ; je n’ai pas bien compris ce qu’elle disait, parce qu’elle parlait italien, mais à la voir je gagerais qu’elle sait très bien le français ; nous en jugerons ce soir. Elle mène une vie singulière, elle est riche, jeune, libre, sans qu’on puisse savoir avec certitude si elle a des amans ou non. Il paraît certain néanmoins qu’à présent elle ne préfère personne ; au reste, ajouta-t-il, il se peut qu’elle n’ait pas rencontré dans ce pays un homme digne d’elle, cela ne m’étonnerait pas. —

Le comte d’Erfeuil continua quelque temps encore à discourir ainsi, sans que lord Nelvil l’interrompît. Il ne disait rien qui fût précisément inconvenable, mais il froissait toujours les sentimens délicats d’Oswald en parlant trop fort ou trop légèrement sur ce qui l’intéressait. Il y a des ménagemens que l’esprit même et