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CORINNE OU L’ITALIE

plaisirs raffinés d’une société brillante, les plaisirs grossiers d’un peuple avide ne sont pas faits pour elle.

Ici les sensations se confondent avec les idées, la vie se puise tout entière à la même source, et l’ame comme l’air occupe les confins de la terre et du ciel. Ici le génie se sent à l’aise, parce que la rêverie y est douce ; s’il agite, elle calme ; s’il regrette un but, elle lui fait don de mille chimères ; si les hommes l’oppriment, la nature est là pour l’accueillir.

Ainsi, toujours elle répare, et sa main secourable guérit toutes les blessures. Ici l’on se console des peines même du cœur, en admirant un dieu de bonté, en pénétrant le secret de son amour, non par nos jours passagers, mystérieux avant-coureurs de l’éternité, mais dans le sein fécond et majestueux de l’immortel univers. »

Corinne fut interrompue pendant quelques momens par les applaudissemens les plus impétueux. Le seul Oswald ne se mêla point aux transports bruyans qui l’entouraient. Il avait penché sa tête sur sa main lorsque Corinne avait dit : Ici l’on se console des peines même du cœur ; et depuis lors il ne l’avait point relevée. Corinne