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CORINNE OU L’ITALIE

quand elle n’y serait plus ; il deviendrait impossible d’en rassembler les débris. Le prince Castel-Forte avait peu l’habitude de vivre dans sa famille ; bien que fort spirituel, l’étude le fatiguait : le jour entier eût donc été pour lui d’un poids insupportable, s’il n’était pas venu le soir et le matin chez Corinne : elle partait, il ne savait plus que devenir, et se promit en secret de se rapprocher d’elle comme un ami sans exigeance, mais qui est toujours là pour nous consoler dans le malheur ; et cet ami doit être bien sûr que son moment arrivera.

Corinne éprouvait un sentiment de mélancolie en rompant ainsi toutes ses habitudes ; elle s’était fait depuis quelques années dans Rome une manière d’être qui lui plaisait ; elle était le centre de tout ce qu’il y avait d’artistes célèbres et d’hommes éclairés ; une indépendance parfaite d’idées et d’habitudes donnait beaucoup de charmes à son existence : qu’allait-elle maintenant devenir ? Si elle était destinée au bonheur d’avoir Oswald pour époux, c’était en Angleterre qu’il devait la conduire, et de quelle manière y serait-elle jugée ? comment elle-même saurait-elle s’astreindre à ce genre de vie, si différent de celui qu’elle venait de mener depuis six ans ! Mais ces réflexions ne faisaient