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CORINNE OU L’ITALIE

de ce pays, j’ai pu lui exagérer un peu la facilité qu’ils donnent. Je vous demande votre parole de ne pas lui dire un mot à cet égard, je veux qu’il soit libre et toujours libre dans ses relations avec moi : il ne peut faire mon bonheur par aucun genre de sacrifice. Le sentiment qui me rend heureuse est la fleur de la vie, et ni la bonté ni la délicatesse ne pourraient la ranimer, si elle venait à se flétrir. Je vous en conjure donc, mon cher comte, ne vous mêlez pas de ma destinée ; rien de ce que vous savez sur les affections du cœur ne peut me convenir ; ce que vous dites est sage, bien raisonné, fort applicable aux situations comme aux personnes ordinaires ; mais vous me feriez très-innocemment un mal affreux en voulant juger mon caractère d’après ces grandes divisions communes, pour lesquelles il y a des maximes toutes faites. Je souffre, je jouis, je sens à ma manière, et ce serait moi seule qu’il faudrait observer, si l’on voulait influer sur mon bonheur. —

L’amour-propre du comte d’Erfeuil était un peu blessé de l’inutilité de ses conseils et de la grande marque d’amour que Corinne donnait à lord Nelvil : il savait bien qu’il n’était pas aimé d’elle, il savait également qu’Oswald l’était ; mais il lui était désagréable que tout cela fut