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CORINNE OU L’ITALIE

cœur la blessure de la douleur. Il s’étonnait de l’inflexibilité, de la dureté que l’homme d’un jour montre à l’homme d’un jour comme lui ; et s’emparait de cette terrible pensée de la mort, que les vivans ont conçue, mais qu’ils n’épuiseront jamais. Enfin il n’annonçait rien qui ne fût touchant et vrai : c’était des paroles parfaitement en harmonie avec la nature. Le torrent qu’on entendait dans l’éloignement, la lumière scintillante des étoiles, semblaient exprimer la même pensée sous une autre forme. La magnificence de la nature était là, cette magnificence la seule qui donne des fêtes sans offenser l’infortune ; et toute cette imposante simplicité remuait l’ame bien plus profondément que des cérémonies éclatantes.

Le surlendemain de cet entretien, le jour de Pâques, Corinne et lord Nelvil étaient ensemble sur la place de Saint-Pierre, au moment où le pape s’avance sur le balcon le plus élevé de l’église, et demande au ciel la bénédiction qu’il va répandre sur la terre ; lorsqu’il prononce ces mots : — à la ville et au monde (urbi et orbi), — tout le peuple rassemblé se jette à genoux, et Corinne et lord Nelvil sentirent, par l’émotion qu’ils éprouvèrent en ce moment, que tous les cultes se ressemblent. Le sentiment religieux