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CORINNE OU L’ITALIE

et des regrets, des beautés naturelles et des malheurs illustres, qui répandent sur ce pays un charme indéfinissable.

Le comte d’Erfeuil faisait de comiques lamentations sur les environs de Rome. — Quoi, disait-il, point de maison de campagne, point de voiture, rien qui annonce le voisinage d’une grande ville ! Ah, bon Dieu, quelle tristesse ! En approchant de Rome, les postillons s’écrièrent avec transport : Voyez, voyez, c’est la coupole de Saint-Pierre ! Les Napolitains montrent ainsi le Vésuve ; et la mer fait de même l’orgueil des habitans des côtes. — On croirait voir le dôme des Invalides, s’écria le comte d’Erfeuil. — Cette comparaison, plus patriotique que juste, détruisit l’effet qu’Oswald aurait pu recevoir à l’aspect de cette magnifique merveille de la création des hommes. Ils entrèrent dans Rome, non par un beau jour, non par une belle nuit, mais par un soir obscur, par un temps gris, qui ternit et confond tous les objets. Ils traversèrent le Tibre sans le remarquer ; ils arrivèrent à Rome par la porte du Peuple, qui conduit d’abord au Corso, à la plus grande rue de la ville moderne, mais à la partie de Rome qui a le moins d’originalité, puisqu’elle ressemble davantage aux autres villes de l’Europe.