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CORINNE OU L’ITALIE

le peuple qui l’environne se jette aussi à genoux et répéte ce même cri, qui va se perdre sous les vieux portiques du Colisée. Il est impossible de ne pas éprouver alors une émotion profondément religieuse ; cet appel de la douleur à la bonté, de la terre au ciel, remue l’ame jusques dans son sanctuaire le plus intime. Oswald tressaillit au moment où tous les assistans se mirent à genoux ; il resta debout pour ne pas professer un culte qui n’était pas le sien ; mais il lui en coûtait de ne pas s’associer publiquement aux mortels, quels qu’ils fussent, qui se prosternaient devant Dieu. Hélas ! en effet, est-il une invocation à la pitié céleste qui ne convienne pas également à tous les hommes ?

Le peuple avait été frappé de la belle figure de lord Nelvil et de ses manières étrangères, mais ne fut pas scandalisé de ce qu’il ne se mettait pas à genoux ; il n’y a point de peuple plus tolérant que les Romains, ils sont accoutumés à ce qu’on ne vienne chez eux que pour voir et pour observer. Et soit fierté, soit indolence, ils ne cherchent à faire partager leurs opinions à personne. Ce qui est plus extraordinaire encore, c’est que pendant la semaine sainte surtout, il en est beaucoup parmi eux qui s’infligent des pénitences corporelles, et pendant qu’ils se don-