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CORINNE OU L’ITALIE

de la vie. L’absence de l’homme au milieu de la nature excite des réflexions profondes. Que serait cette terre ainsi délaissée ? Œuvre sans but, et cependant œuvre encore si belle, dont la mystérieuse impression ne s’adresserait qu’à la divinité.

Enfin, voici les deux tableaux où, selon moi, l’histoire et la poésie sont heureusement unies au paysage[1]. L’un représente le moment où Cincinnatus est invité par les consuls à quitter sa charrue pour commander les armées romaines. C’est tout le luxe du midi que vous verrez dans ce paysage, son abondante végétation, son ciel brûlant, cet air riant de toute la nature qui se retrouve dans la physionomie même des plantes ; et cet autre tableau qui fait contraste avec celui-ci, c’est le fils de Caïrbar endormi sur la tombe de son père. Il attend depuis trois jours et trois nuits, le barde qui doit rendre des honneurs à la mémoire des morts. Ce barde est aperçu dans le lointain, descendant de la montagne ; l’ombre du père plane sur les nuages ; la campagne est couverte de frimas ; les arbres, quoique dépouillés, sont agités par les vents, et leurs branches mortes et leurs feuilles desséchées suivent encore la direction de l’orage. —

Oswald, jusqu’alors avait conservé du ressen-

  1. Les tableaux historiques qui composent la galerie de Corinne sont des copies ou des originaux du Brutus de David, du Marius de Drouet, du Bélisaire de Gérard. Parmi les autres tableaux cités, celui de Didon a été fait par M. Rehberg, peintre allemand ; celui de Clorinde est dans la galerie de Florence, celui de Macbeth est dans la collection anglaise des tableaux pour Shakespeare, et celui de Phèdre est de Guérin ; enfin, les deux paysages de Cincinnatus et d’Ossian sont à Rome, et M. Wallis, peintre anglais, en est l’auteur.