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CORINNE OU L’ITALIE

combien de beautés du poëte cependant ne faut-il pas renoncer ? Peut-on peindre Macbeth précipité dans le crime par les prestiges de l’ambition, qui s’offrent à lui sous la forme de la sorcellerie ? Comment exprimer la terreur qu’il éprouve ? cette terreur qui se concilie cependant avec une bravoure intrépide. Peut-on caractériser le genre de superstitions qui l’opprime ? cette croyance sans dignité, cette fatalité de l’enfer qui pèse sur lui, son mépris de la vie, son horreur de la mort ? Sans doute la physionomie de l’homme est le plus grand des mystères ; mais cette physionomie fixée dans un tableau ne peut guères exprimer que les profondeurs d’un sentiment unique. Les contrastes, les luttes, les événemens enfin appartiennent à l’art dramatique. La peinture peut difficilement rendre ce qui est successif : le temps ni le mouvement n’existent pas pour elle.

La Phèdre de Racine a fourni le sujet du quatrième tableau, dit Corinne, en le montrant à lord Nelvil. Hippolyte, dans toute la beauté de la jeunesse et de l’innocence, repousse les accusations perfides de sa belle-mère ; le héros Thésée protège encore son épouse coupable qu’il entoure de son bras vainqueur. Phèdre porte sur son visage un trouble qui glace d’effroi ; et sa nourrice, sans remords, l’encou-