Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/328

Cette page a été validée par deux contributeurs.
324
CORINNE OU L’ITALIE

un charme particulier. Tout le monde admirait son esprit et la grâce de sa figure ; mais il devait intéresser surtout une personne qui, réunissant en elle par un accord singulier la constance à la mobilité, se plaisait dans les impressions tout à la fois variées et fidèles. Jamais il n’était occupé que de Corinne ; et cette occupation même prenait sans cesse des caractères différens ; tantôt la réserve y dominait, tantôt l’abandon ; tantôt une douceur parfaite, tantôt une amertume sombre, qui prouvait la profondeur des sentimens, mais mêlait le trouble à la confiance, et faisait naître sans cesse une émotion nouvelle. Oswald, intérieurement agité, cherchait à se contenir au dehors ; et celle qui l’aimait, occupée a le deviner, trouvait dans ce mystère un intérêt continuel. On eût dit que les défauts mêmes d’Oswald étaient faits pour relever ses agrémens. Un homme, quelque distingué qu’il eût été, mais dont le caractère n’eût point offert de contradiction ni de combats, n’aurait pas ainsi captivé l’imagination de Corinne. Elle avait une sorte de peur d’Oswald qui l’asservissait à lui ; il régnait sur son ame par une bonne et par une mauvaise puissance, par ses qualités et par l’inquiétude que ces qualités mal combinées pouvaient