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CORINNE OU L’ITALIE

sont aussi populaires que les sujets religieux, ils ont sur eux l’avantage de la variété des situations et des sentimens qu’ils retracent.

Lord Nelvil pensait aussi qu’on devait de préférence représenter en tableaux les scènes de tragédie, ou les fictions poétiques les plus touchantes, afin que tous les plaisirs de l’imagination et de l’ame fussent réunis. Corinne combattit encore cette opinion, quelque séduisante qu’elle fut. Elle était convaincue que l’empiétement d’un art sur l’autre leur nuisait mutuellement. La sculpture perd les avantages qui lui sont particuliers, quand elle aspire aux groupes de la peinture ; la peinture, quand elle veut atteindre à l’expression dramatique. Les arts sont bornés dans leurs moyens, quoique sans bornes dans leurs effets. Le génie ne cherche point à combattre ce qui est dans l’essence des choses ; sa supériorité consiste, au contraire, à la deviner. — Vous, mon cher Oswald, dit Corinne, vous n’aimez pas les arts en eux-mêmes, mais seulement à cause de leurs rapports avec le sentiment ou l’esprit. Vous n’êtes ému que par ce qui vous retrace les peines du cœur. La musique et la poésie conviennent à cette disposition ; tandis que les arts qui parlent aux yeux, bien que leur signification soit idéale, ne