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CORINNE OU L’ITALIE

gères pour me fixer auprès de vous ; c’est, au contraire, un sacrifice que je vous fais, quand je détourne mes regards de vous pour quelque objet que ce puisse être. —

Ils allèrent d’abord au musée du Vatican, ce palais des statues où l’on voit la figure humaine divinisée par le paganisme, comme les sentimens de l’ame le sont maintenant par le christianisme. Corinne fit remarquer à lord Nelvil ces salles silencieuses où sont rassemblées les images des Dieux et des héros, où la plus parfaite beauté, dans un repos éternel, semble jouir d’elle-même. En contemplant ces traits et ces formes admirables, il se révèle je ne sais quel dessein de la divinité sur l’homme, exprimé par la noble figure dont elle a daigné lui faire don. L’ame s’élève par cette contemplation à des espérances pleines d’enthousiasme et de vertu ; car la beauté est une dans l’univers, et, sous quelque forme qu’elle se présente, elle excite toujours une émotion religieuse dans le cœur de l’homme. Quelle poésie que ces visages où la plus sublime expression est pour jamais fixée, où les plus grandes pensées sont revêtues d’une image si digne d’elles !

Quelquefois un sculpteur ancien ne faisait qu’une statue dans sa vie, elle était toute son histoire. Il la perfectionnait chaque jour : s’il