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CORINNE OU L’ITALIE

que j’éprouve est bien nouveau pour moi : mes idées sur la vie, mes projets pour l’avenir sont tout-à-fait bouleversés par ce sentiment qui me trouble et m’asservit chaque jour davantage. Mais je ne sais pas si nous pouvons, si nous devons nous unir. — Corinne, reprit Oswald, me mépriseriez-vous d’avoir hésité ? l’attribueriez-vous à des considérations misérables ? N’avez-vous pas deviné que le remords profond et douloureux qui, depuis près de deux ans, me poursuit et me déchire, a pu seul causer mes incertitudes ? —

— Je l’ai compris, reprit Corinne. Si je vous avais soupçonné d’un motif étranger aux affections du cœur, vous ne seriez pas celui que j’aime. Mais la vie, je le sais, n’appartient pas tout entière à l’amour. Les habitudes, les souvenirs, les circonstances créent autour de nous je ne sais quel enlacement que la passion même ne peut détruire. Brisé pour un moment, il se reformerait, et le lierre viendrait à bout du chêne. Mon cher Oswald, ne donnons pas à chaque époque de notre existence plus que cette époque ne demande. Ce qui m’est nécessaire dans ce moment, c’est que vous ne me quittiez pas. Cette terreur d’un départ qui pourrait être subit me poursuit sans cesse. Vous êtes étranger