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CORINNE OU L’ITALIE

regards, au moment où les sentimens, les intérêts dont on a subsisté pendant le cours de ses belles années, vont s’évanouir pour jamais ? Ah ! vous qui devez survivre à cet être semblable à vous, que le ciel vous avait donné pour soutien, à cet être qui était tout pour vous, et dont les regards vous disent un effrayant adieu, vous ne refuserez pas de placer votre main sur un cœur défaillant, afin qu’une dernière palpitation vous parle encore, lorsque tout autre langage n’existera plus. Et vous blâmerions-nous, amis fidèles, si vous aviez désiré que vos cendres se confondissent, que vos dépouilles mortelles fussent réunies dans le même asile ? Dieu de bonté, réveillez-les ensemble ; ou si l’un des deux seulement a mérité cette faveur, si l’un des deux seulement doit être du nombre des élus, que l’autre en apprenne la nouvelle ; que l’autre aperçoive la lumière des anges au moment où le sort des heureux sera proclamé, afin qu’il ait encore un moment de joie avant de retomber dans la nuit éternelle.

Ah ! nous nous égarons peut-être lorsque nous essayons de décrire les derniers jours de l’homme sensible, de l’homme qui voit la mort s’avancer à grands pas, qui la voit