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CORINNE OU L’ITALIE

fiance, lorsque ses forces s’éteignent, anime encore ses traits. Il contemple déjà sa nouvelle patrie ; mais, sans oublier celle qu’il va quitter, il est à son créateur et à son Dieu, sans rejeter loin de lui les sentimens qui ont charmé sa vie.

C’est une épouse fidèle qui, selon les lois de la nature, doit, entre les siens, le suivre la première : il la console, il essuie ses larmes, il lui donne rendez-vous dans ce séjour de félicité qu’il ne peut se peindre sans elle. Il lui retrace les jours heureux qu’ils ont parcourus ensemble ; non pour déchirer le cœur d’une sensible amie, mais pour accroître leur confiance mutuelle à la bonté céleste. Il rappelle encore à la compagne de sa fortune l’amour si tendre qu’il eut toujours pour elle ; non pour animer des regrets qu’il voudrait adoucir, mais pour jouir de la douce idée que deux vies ont tenu à la même tige, et que, par leur union, elles deviendront peut-être une défense, une garantie de plus, dans cet obscur avenir, où la pitié d’un Dieu suprême est le dernier refuge de nos pensées. Hélas ! peut-on se former une juste image de toutes les émotions qui pénètrent une ame aimante au moment où une vaste solitude se présente à nos