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CORINNE OU L’ITALIE

ne fût pas vrai ; il aurait souhaité qu’elle eût commis pour lui une grande faute selon le monde, afin que cette faute même, lui faisant un devoir de l’épouser, terminât ses incertitudes. Il pensait avec humeur à cette liberté des mœurs d’Italie, qui prolongeait son anxiété, en lui laissant beaucoup de bonheur, sans lui imposer aucun lien. Il eût voulu que l’honneur lui commandât ce qu’il désirait. Ces pensées pénibles lui causèrent de nouveau des accidens dangereux. Corinne, dans la plus affreuse inquiétude, sut lui prodiguer des soins pleins de douceur et de charme.

Vers le soir, Oswald paraissait plus oppressé ; et Corinne, à genoux auprès de son lit, soutenait sa tête entre ses bras, quoiqu’elle fût elle-même bien plus émue que lui. Il la regardait souvent avec une impression de bonheur à travers ses souffrances. — Corinne, lui dit-il à voix basse, lisez-moi dans ce recueil, où sont écrites les pensées de mon père, ses réflexions sur la mort. Ne pensez pas, dit-il en voyant l’effroi de Corinne, que je m’en croie menacé. Mais jamais je ne suis malade sans relire ces consolations, qu’il me semble encore entendre de sa bouche ; et puis je veux, chère amie, vous faire ainsi connaître quel homme était mon père,