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CORINNE OU L’ITALIE

d’ignorer ce qu’il penserait à présent, si je pouvais le consulter encore ? — Il était cependant affreux pour Oswald de retourner chez Corinne, après ce qui s’était passé la veille, sans lui rien dire qui confirmât les sentimens qu’il lui avait témoignés. Son agitation, sa peine devint si forte, qu’elle lui rendit un accident dont il se croyait guéri ; le vaisseau cicatrisé dans sa poitrine se rouvrit. Pendant que ses gens effrayés appelaient du secours de toutes parts, il souhaitait en secret que la fin de sa vie terminât ses chagrins. — Si je pouvais mourir, se disait-il, après avoir revu Corinne, après qu’elle m’aurait appelé son Roméo ! — Et des larmes s’échappèrent de ses yeux, c’était les premières, depuis la mort de son père, qu’une autre douleur lui arrachait.

Il écrivit à Corinne l’accident qui le retenait chez lui, et quelques mots mélancoliques terminaient sa lettre. Corinne avait commencé ce même jour avec des pressentimens bien trompeurs : elle jouissait de l’impression qu’elle avait produite sur Oswald, et se croyant aimée, elle était heureuse, car elle ne savait pas bien clairement d’ailleurs ce qu’elle désirait. Mille circonstances faisaient que l’idée d’épouser lord Nelvil était pour elle mêlée de beaucoup de crainte, et