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CORINNE OU L’ITALIE

sons pour un présage, et ce que nous souffrons pour un avertissement du ciel ? Ah ! quelle lutte se passe dans les ames susceptibles et de passion et de conscience !

Oswald se promenait dans sa chambre avec une agitation cruelle, s’arrêtant quelquefois pour regarder la lune d’Italie, si douce et si belle. L’aspect de la nature enseigne la résignation, mais ne peut rien sur l’incertitude. Le jour vint pendant qu’il était dans cet état ; et quand le comte d’Erfeuil et M. Edgermond entrèrent chez lui, ils s’inquiétèrent de sa santé, tant les anxiétés de la nuit l’avaient changé ! Le comte d’Erfeuil rompit le premier le silence qui s’était établi entre eux trois. — Il faut convenir, dit-il, que le spectacle d’hier était charmant. Corinne est admirable. Je perdais la moitié de ses paroles ; mais je devinais tout par ses accens et par sa physionomie. Quel dommage que ce soit une personne riche qui ait un tel talent ! Car, si elle était pauvre, libre comme elle l’est, elle pourrait monter sur le théâtre ; et ce serait la gloire de l’Italie qu’une actrice comme elle. —

Oswald ressentit une impression pénible par ce discours, et ne savait néanmoins de quelle manière la témoigner. Car le comte d’Erfeuil avait cela de particulier, que l’on ne pouvait