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CORINNE OU L’ITALIE

varié, qui produit ces couleurs, et l’on y sent toujours la lumière et le feu dont elles viennent. Il y a dans cette composition une sève de vie, un éclat d’expression qui caractérise et le pays et les habitans. La pièce de Roméo et Juliette, traduite en italien, semblait rentrer dans sa langue maternelle.

La première fois que Juliette paraît, c’est à un bal où Roméo Montague s’est introduit, dans la maison des Capulets, les ennemis mortels de sa famille. Corinne était revêtue d’un habit de fête charmant, et cependant conforme au costume du temps. Ses cheveux étaient artistement mêlés avec des pierreries et des fleurs ; elle frappait d’abord comme une personne nouvelle, puis on reconnaissait sa voix et sa figure, mais sa figure divinisée qui ne conservait plus qu’une expression poétique. Des applaudissemens unanimes firent retentir la salle à son arrivée. Ses premiers regards découvrirent à l’instant Oswald et s’arrêtèrent sur lui ; une étincelle de joie, une espérance douce et vive se peignit dans sa physionomie ; en la voyant le cœur battait de plaisir et de crainte : on sentait que tant de félicité ne pouvait pas durer sur la terre ; était-ce pour Juliette, était-ce pour Corinne que ce pressentiment devait s’accomplir ?