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CORINNE OU L’ITALIE

une grande révérence au parterre ; ce qui diminua beaucoup l’effroi de l’apparition.

On est accoutumé en Italie à regarder le théâtre comme une grande salle de réunion où l’on n’écoute que les airs et le ballet. C’est avec raison que je dis où l’on n’écoute que le ballet, car c’est seulement lorsqu’il va commencer que le parterre fait faire silence ; et ce ballet est encore un chef-d’œuvre de mauvais goût. Excepté les grotesques, qui sont de véritables caricatures de la danse, je ne sais pas ce qui peut amuser dans ces ballets, si ce n’est leur ridicule. J’ai vu Gengis-kan, mis en ballet, tout couvert d’hermine, tout revêtu de beaux sentimens, car il cédait sa couronne à l’enfant du roi qu’il avait vaincu, et l’élevait en l’air sur un pied ; nouvelle façon d’établir un monarque sur le trône. J’ai aussi vu le dévouement de Curtius, ballet en trois actes, avec tous les divertissemens. Curtius, habillé en berger d’Arcadie, dansait long-temps avec sa maîtresse avant de monter sur un véritable cheval au milieu du théâtre, et de s’élancer ainsi dans un gouffre de feu fait avec du satin jaune et du papier doré ; ce qui lui donnait beaucoup plus l’apparence d’un surtout de dessert que d’un abîme. Enfin