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CORINNE OU L’ITALIE

en avons plusieurs autres, tels que Chiabrera, Guidi, Filicaja, Parini, etc., sans compter Sannazar, Politien, etc. qui ont écrit en latin avec génie ; et tous réunissent dans leurs vers le coloris à l’harmonie, tous savent, avec plus ou moins de talent, faire entrer les merveilles des beaux arts et de la nature dans les tableaux représentés par la parole. Sans doute il n’y a pas dans nos poëtes cette mélancolie profonde, cette connaissance du cœur humain qui caractérise les vôtres ; mais ce genre de supériorité n’appartient-il pas plutôt aux écrivains philosophes qu’aux poëtes ? La mélodie brillante de l’italien convient mieux à l’éclat des objets extérieurs qu’à la méditation. Notre langue serait plus propre à peindre la fureur que la tristesse, parce que les sentimens réfléchis exigent des expressions plus métaphysiques, tandis que le désir de la vengeance anime l’imagination, et tourne la douleur en dehors. Cesarotti a fait la meilleure et la plus élégante traduction d’Ossian qu’il y ait ; mais il semble, en la lisant, que les mots ont en eux-mêmes un air de fête qui contraste avec les idées sombres qu’ils rappellent. On se laisse charmer par nos douces paroles, de ruisseau limpide, de campagne riante, d’ombrage frais, comme par le mur-