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CORINNE OU L’ITALIE

nable dans le sens ordinaire de ce mot, car il avait, à beaucoup d’égards, ce qu’on appelle une bonne tête : ce sont les caractères passionnés, bien plus que les caractères légers, qui sont capables de folie ; mais, loin que sa façon de sentir excitât la confiance de lord Nelvil, il aurait voulu pouvoir assurer au comte d’Erfeuil qu’il était le plus heureux des hommes, pour éviter le mal que lui faisaient ses consolations.

Cependant le comte d’Erfeuil s’attachait beaucoup à lord Nelvil, sa résignation et sa simplicité, sa modestie et sa fierté lui inspiraient une considération dont il ne pouvait se défendre. Il s’agitait autour du calme extérieur d’Oswald, il cherchait dans sa tête tout ce qu’il avait entendu dire de plus grave dans son enfance a des parens âgés, afin de l’essayer sur lord Nelvil ; et tout étonné de ne pas vaincre son apparente froideur, il se disait en lui-même : — Mais n’ai-je pas de la bonté, de la franchise, du courage ? ne suis-je pas aimable en société ? que peut-il donc me manquer pour faire effet sur cet homme ? et n’y a-t-il pas entre nous quelque mal-entendu qui vient peut-être de ce qu’il ne sait pas assez, bien le français ?