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CORINNE OU L’ITALIE

entendre sur un sujet de son choix, il aspirait à cette grâce avec autant de respect que d’empressement. Elle y consentit sans se faire prier un instant, et sut prouver ainsi que cette faveur avait un prix indépendant de la difficulté de l’obtenir. Mais elle avait un si vif désir de plaire à un compatriote d’Oswald, à un homme qui par la considération qu’il méritait pouvait influer sur son opinion en lui parlant d’elle, que ce sentiment la remplit tout à coup d’une timidité qui lui était nouvelle ; elle voulut commencer, et elle sentit que l’émotion lui coupait la parole. Oswald souffrait de ce qu’elle ne se montrait pas dans toute sa supériorité à un Anglais. Il baissait les yeux et son embarras était si visible, que Corinne, uniquement occupée de l’effet qu’elle produisait sur lui, perdait toujours plus la présence d’esprit nécessaire pour le talent d’improviser. Enfin sentant qu’elle hésitait, que les paroles lui venaient par la mémoire et non par le sentiment, et qu’elle ne peignait ainsi ni ce qu’elle pensait, ni ce qu’elle éprouvait réellement, elle s’arrêta tout à coup, et dit à M. Edgermond : — Pardonnez-moi si la timidité m’ôte aujourd’hui mon talent, c’est la première fois, mes amis le savent, que je me suis trouvée ainsi tout-à-fait au-dessous de moi-même, mais ce ne