Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/230

Cette page a été validée par deux contributeurs.
226
CORINNE OU L’ITALIE

M. Edgermond, un parent de la jeune Lucile.

C’était un brave gentilhomme anglais qui avait presque toujours vécu dans la principauté de Galles où il possédait une terre ; il avait les principes et les préjugés qui servent à maintenir en tout pays les choses comme elles sont ; et c’est un bien quand ces choses sont aussi bonnes que la raison humaine le permet : alors les hommes tels que M. Edgermond, c’est-à-dire les partisans de l’ordre établi, quoique fortement et même opiniâtrément attachés à leurs habitudes et à leur manière de voir, doivent être considérés comme des esprits éclairés et raisonnables.

Lord Nelvil tressaillit en entendant annoncer chez lui M. Edgermond, il lui sembla que tous ses souvenirs se représentaient à la fois ; mais bientôt il lui vint dans l’esprit que ladi Edgermond, la mère de Lucile, avait envoyé son parent pour lui faire des reproches, et qu’elle voulait ainsi gêner son indépendance. Cette pensée lui rendit toute sa fermeté, et il reçut M. Edgermond avec une froideur extrême. Il avait d’autant plus tort en l’accueillant ainsi, que M. Edgermond n’avait pas le moindre projet qui pût concerner lord Nelvil. Il traversait l’Italie pour sa santé, en faisant beaucoup d’exercice, en chassant, en buvant à la santé du roi George