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CORINNE OU L’ITALIE

cile en tout, sérieux seulement dans l’amour-propre, et digne d’être aimé comme il aimait, c’est-à-dire comme un bon camarade des plaisirs et des périls ; mais il ne s’entendait point au partage des peines. Il s’ennuyait de la mélancolie d’Oswald, et par bon cœur, autant que par goût, il aurait souhaité de la dissiper. — Que vous manque-t-il, lui disait-il souvent ? N’êtes-vous pas jeune, riche, et si vous le voulez, bien portant ? car vous n’êtes malade que parce que vous êtes triste. Moi, j’ai perdu ma fortune, mon existence, je ne sais ce que je deviendrai, et cependant je jouis de la vie comme si je possédais toutes les prospérités de la terre. — Vous avez un courage aussi rare qu’honorable, répondit lord Nelvil ; mais les revers que vous avez éprouvés font moins de mal que les chagrins du cœur. — Les chagrins du cœur, s’écria le comte d’Erfeuil, oh ! c’est vrai ce sont les plus cruels de tous…… Mais…… mais encore faut-il s’en consoler ; car un homme sensé doit chasser de son ame tout ce qui ne peut servir ni aux autres ni à lui-même. Ne sommes-nous pas ici-bas pour être utiles d’abord, et puis heureux ensuite ? Mon cher Nelvil, tenons-nous-en là. —

Ce que disait le comte d’Erfeuil était raison-