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CORINNE OU L’ITALIE


CHAPITRE II


LA foule empêcha Corinne de répondre à lord Nelvil. On allait souper, et chaque cavaliere servente se hâtait de s’asseoir à côté de sa dame. Une étrangère arriva, et, ne trouvant plus de place, aucun homme, excepté lord Nelvil et le comte d’Erfeuil, ne lui offrit la sienne : ce n’était ni par impolitesse, ni par égoïsme, qu’aucun Romain ne s’était levé ; mais l’idée que les grands seigneurs de Rome ont de l’honneur et du devoir, c’est de ne pas quitter d’un pas ni d’un instant leur dame. Quelques-uns n’ayant pas pu s’asseoir se tenaient derrière la chaise de leurs belles, prêts à les servir au moindre signe. Les dames ne parlaient qu’à leurs cavaliers ; les étrangers erraient en vain autour de ce cercle, où personne n’avait rien à leur dire. Car les femmes ne savent pas en Italie ce que c’est que la coquetterie, ce que c’est en amour qu’un succès d’amour-propre ; elles n’ont envie de plaire qu’à celui qu’elles aiment ; il n’y a point de séduction