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CORINNE OU L’ITALIE

de mon mieux à la guerre pour être tué, mais puisque le sort m’a épargné, il faut vivre aussi bien qu’on le peut. — Je me féliciterai de mon arrivée ici, répondit lord Nelvil, si vous vous trouvez bien à Rome, et si… — Oh mon Dieu, interrompit le comte d’Erfeuil, je me trouverai bien partout ; quand on est jeune et gai, tout s’arrange. Ce ne sont pas les livres ni la méditation qui m’ont acquis la philosophie que j’ai, mais l’habitude du monde et des malheurs ; et vous voyez bien, mylord, que j’ai raison de compter sur le hasard, puisqu’il m’a procuré l’occasion de voyager avec vous. — En achevant ces mots, le comte d’Erfeuil salua lord Nelvil de la meilleure grâce du monde, convint de l’heure du départ pour le jour suivant, et s’en alla.

Le comte d’Erfeuil et lord Nelvil partirent le lendemain. Oswald, après les premières phrases de politesse, fut plusieurs heures sans dire un mot ; mais voyant que ce silence fatiguait son compagnon, il lui demanda s’il se faisait plaisir d’aller en Italie. — Mon Dieu, répondit le comte d’Erfeuil, je sais ce qu’il faut croire de ce pays là, je ne m’attends pas du tout à m’y amuser. Un de mes amis, qui y a passé six mois, m’a dit qu’il n’y avait pas de province de France où il n’y eût un meilleur