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CORINNE OU L’ITALIE

gards nous fait pénétrer le génie des temps. On croit que Rome avait autrefois un nom mystérieux, qui n’était connu que de quelques adeptes ; il semble qu’il est encore nécessaire d’être initié dans le secret de cette ville. Ce n’est pas simplement un assemblage d’habitations, c’est l’histoire du monde, figurée par divers emblèmes, et représentée sous diverses formes.

Corinne convint avec lord Nelvil qu’ils iraient voir ensemble d’abord les édifices de Rome moderne, et qu’ils réserveraient pour un autre temps les admirables collections de tableaux et de statues qu’elle renferme. Peut-être sans s’en rendre raison, Corinne désirait-elle de renvoyer le plus qu’il était possible ce qu’on ne peut se dispenser de connaître à Rome ; car qui l’a jamais quittée sans avoir contemplé l’Apollon du Belvedère et les tableaux de Raphaël ! Cette garantie, toute faible qu’elle était, qu’Oswald ne partirait pas encore, plaisait à son imagination. Y a-t-il de la fierté, dira-t-on, à vouloir retenir ce qu’on aime par un autre motif que celui du sentiment ? Je ne sais, mais plus on aime, moins on se fie au sentiment que l’on inspire ; et quelle que soit la cause qui nous assure la présence de l’objet qui nous est cher, on l’accepte toujours avec joie. Il y a souvent bien de la vanité dans un