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CORINNE OU L’ITALIE

n’ai point eu ce tort si terrible en Angleterre, et si pardonnable en Italie. L’a-t-il deviné ? Mais pourquoi m’en estimerait-il moins ? — Oswald ne s’était éloigné de Corinne que parce qu’il se sentait trop vivement entraîné par son charme. Bien qu’il n’eût pas donné sa parole d’épouser Lucile Edgermond il savait que l’intention de son père avait été de la lui donner pour femme, et il désirait de s’y conformer. Enfin Corinne n’était point connue sous son véritable nom, et menait, depuis plusieurs années, une vie beaucoup trop indépendante ; un tel mariage n’eût point obtenu (lord Nelvil le croyait) l’approbation de son père, et il sentait bien que ce n’était pas ainsi qu’il pouvait expier ses torts envers lui. Voilà quels étaient ses motifs pour s’éloigner de Corinne. Il avait formé le projet de lui écrire en quittant Rome, ce qui le condamnait à cette résolution ; mais comme il ne s’en sentait pas la force, il se bornait à ne pas aller chez elle, et ce sacrifice, toutefois, lui parut dès le second jour trop pénible.

Corinne était frappée de l’idée qu’elle ne reverrait plus Oswald, qu’il s’en irait sans lui dire adieu. Elle s’attendait à chaque instant à recevoir la nouvelle de son départ ; et cette crainte exaltait tellement son sentiment, qu’elle se sentit, saisie tout à coup par la passion, par cette