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CORINNE OU L’ITALIE

place, où des lions naguères s’étaient montrés ; voilà quel fut le luxe des Romains, quand ils placèrent dans le luxe leur orgueil ! Ces obélisques amenés d’Egypte, et dérobés aux ombres africaines, pour venir décorer les sépulcres des Romains ; cette population de statues qui existait autrefois dans Rome ne peut être considérée comme l’inutile et fastueuse pompe des despotes de l’Asie ; c’est le génie romain, vainqueur du monde, que les arts ont revêtu d’une forme extérieure. Il y a de la féerie dans cette magnificence, et sa splendeur poétique fait oublier et son origine et son but. —

L’éloquence de Corinne excitait l’admiration d’Oswald, sans le convaincre ; il cherchait partout un sentiment moral, et toute la magie des arts ne pouvait jamais lui suffire. Alors Corinne se rappela que, dans cette même arène, les Chrétiens persécutés étaient morts victimes de leur persévérance ; et montrant à lord Nelvil les autels élevés en l’honneur de leurs cendres, et cette route de la croix que suivent les pénitens au pied des plus magnifiques débris de la grandeur mondaine elle lui demanda si cette poussière des martyrs ne disait rien à son cœur. — Oui, s’écria-t-il, j’admire profondément cette puissance de l’ame et de la volonté contre les