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CORINNE OU L’ITALIE

Pierre est un temple posé sur une église. Il y a quelque alliance des religions antiques et du christianisme dans l’effet que produit sur l’imagination l’intérieur de cet édifice. Je vais m’y promener souvent pour rendre à mon ame la sérénité qu’elle perd quelquefois. La vue d’un tel monument est comme une musique continuelle et fixée, qui vous attend pour vous faire du bien quand vous vous en approchez ; et certainement il faut mettre au nombre des titres de notre nation à la gloire, la patience, le courage et le désintéressement des chefs de l’église, qui ont consacré cent cinquante années, tant d’argent et tant de travaux, à l’achèvement d’un édifice, dont ceux qui l’élévaient ne pouvaient se flatter de jouir [1]. C’est un service rendu même à la morale publique, que de faire don à une nation d’un monument qui est l’emblème de tant d’idées nobles et généreuses. — Oui, répondit Oswald, ici les arts ont de la grandeur ; l’imagination et l’invention sont pleines de génie : mais la dignité de l’homme même comment y est-elle défendue ? Quelles institutions, quelle faiblesse dans la plupart des gouvernemens d’Italie ! Et néanmoins quel asservissement dans les esprits ! — D’autres peuples, interrompit Corinne, ont supporté le joug comme nous, et

  1. On dit que cette église de Saint-Pierre est une des principales, causes de la réformation, parce qu’elle a coûté tant d’argent aux papes, que pour la bâtir ils ont multiplié les indulgences.