Page:De Staël - Corinne ou l'Italie, Tome I, 1807.djvu/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
124
CORINNE OU L’ITALIE

même de l’amour ne suffisait plus pour remplir en entier son ame. Il marchait lentement à côté de Corinne ; l’un et l’autre se taisaient. Là tout commande le silence ; le moindre bruit retentit si loin, qu’aucune parole ne semble digne d’être ainsi répétée dans une demeure presque éternelle ! La prière seule, l’accent du malheur, de quelque faible voix qu’il parte, émeut profondément dans ces vastes lieux. Et quand, sous ces dômes immenses, on entend de loin venir un vieillard dont les pas tremblans se traînent sur ces beaux marbres arrosés par tant de pleurs, l’on sent que l’homme est imposant par cette infirmité même de sa nature qui soumet son ame divine à tant de souffrances, et que le culte de la douleur, le christianisme, contient le vrai secret du passage de l’homme sur la terre.

Corinne interrompit la rêverie d’Oswald, et lui dit : — Vous avez vu des églises gothiques en Angleterre et en Allemagne, vous avez dû remarquer qu’elles ont un caractère beaucoup plus sombre que cette église. Il y avait quelque chose de mystique dans le catholicisme des peuples septentrionaux. Le nôtre parle à l’imagination par les objets extérieurs. Michel-Ange a dit, en voyant la coupole du Panthéon : « Je la placerai dans les airs. » Et en effet, Saint--