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CORINNE OU L’ITALIE

les bains de Caligula, et que Sixte-Quint a fait transporter ensuite au pied du temple de Saint-Pierre, ce contemporain de tant de siècles, qui n’ont pu rien contre lui, inspire un sentiment de respect ; l’homme se sent si passager, qu’il a toujours de l’émotion en présence de ce qui est immuable. À quelque distance des deux côtés de l’obélisque, s’élèvent deux fontaines dont l’eau jaillit perpétuellement et retombe avec abondance en cascade dans les airs. Ce murmure des ondes, qu’on a coutume d’entendre au milieu de la campagne, produit dans cette enceinte une sensation toute nouvelle ; mais cette sensation est en harmonie avec celle que fait naître l’aspect d’un temple majestueux.

La peinture, la sculpture, imitant le plus souvent la figure humaine, ou quelque objet existant dans la nature, réveillent dans notre ame des idées parfaitement claires et positives ; mais un beau monument d’architecture n’a point, pour ainsi dire, de sens déterminé, et l’on est saisi, en le contemplant, par cette rêverie sans calcul et sans but qui mène si loin la pensée. Le bruit des eaux convient à toutes ces impressions vagues et profondes ; il est uniforme comme l’édifice est régulier.