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CORINNE OU L’ITALIE

nation qui fait notre seule gloire : mais ne trouvez-vous pas, mylord, qu’un peuple qui honore ainsi les talens qu’il possède mériterait une plus noble destinée ? — Je suis sévère pour les nations, répondit Oswald, je crois toujours qu’elles méritent leur sort, quel qu’il soit. — Cela est dur, reprit Corinne, peut-être en vivant en Italie éprouverez–vous un sentiment d’attendrissement sur ce beau pays, que la nature semble avoir paré comme une victime ; mais du moins souvenez-vous que notre plus chère espérance, à nous autres artistes, à nous autres amans de la gloire, c’est d’obtenir une place ici. J’ai déjà marqué la mienne, dit-elle, en montrant une niche encore vide. Oswald, qui sait si vous ne reviendrez pas dans cette même enceinte quand mon buste y sera placé ? Alors… — Oswald l’interrompit vivement et lui dit : — Resplendissante de jeunesse et de beauté, pouvez-vous parler ainsi à celui que le malheur et la souffrance font déjà pencher vers la tombe ? — Ah ! reprit Corinne, l’orage peut briser en un moment les fleurs qui tiennent encore la tête levée. Oswald, cher Oswald, ajouta-t-elle, pourquoi ne seriez-vous pas heureux, pourquoi… — Ne m’interrogez jamais, reprit lord Nelvil, vous