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CORINNE OU L’ITALIE

En effet, pouvait-il dire au comte d’Erfeuil qu’il y a souvent beaucoup d’égoïsme dans la frivolité, et que cet égoïsme ne peut jamais conduire aux fautes de sentiment, à ces fautes dans lesquelles on se sacrifie presque toujours aux autres ? Les hommes frivoles sont très-capables de devenir habiles dans la direction de leurs propres intérêts, car, dans tout ce qui s’appelle la science diplomatique de la vie privée comme de la vie publique, on réussit encore plus souvent par les qualités qu’on n’a pas, que par celles qu’on possède. Absence d’enthousiasme, absence d’opinion, absence de sensibilité, un peu d’esprit combiné avec ce trésor négatif, et la vie sociale proprement dite, c’est-à-dire la fortune et le rang, s’acquièrent ou se maintiennent assez bien. Les plaisanteries du comte d’Erfeuil cependant avaient fait de la peine a lord Nelvil. Il les blâmait, mais il se les rappelait d’une manière importune.