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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

riers, qui avoient soutenu si long-temps les principes de l’égalité sur lesquels la révolution est fondée, devaient-ils se montrer, pour ainsi dire, tatoués d’ordres, de rubans et de titres que les princes de l’Europe leur avoient donnés, pour échapper aux tributs qu’on exigeoit d’eux ? La plupart des généraux françois, avides des distinctions nobiliaires, troquoient leur gloire, comme les sauvages, contre des morceaux de verre.

C’est en vain qu’après la restauration, tout en négligeant beaucoup trop les officiers du second rang, le gouvernement a comblé de grâces les officiers supérieurs. Du moment que les guerriers de Bonaparte vouloient être des gens de cour, il étoit impossible de tranquilliser leur vanité sur ce sujet ; car rien ne peut faire que des hommes nouveaux soient d’une ancienne famille, quelque titre qu’on leur donne. Un général tout poudré, de l’ancien régime, fait rire les vieilles moustaches qui ont vaincu l’Europe entière. Mais un chambellan, fils d’un bourgeois ou d’un paysan, n’est guère moins ridicule dans son genre. L’on ne pouvoit donc, comme nous l’avons dit tout à l’heure, rallier sincèrement la nouvelle cour à l’ancienne, et l’ancienne même devoit avoir l’air de mauvaise