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CONSIDÉRATIONS

se rattachoit à de grandes pensées ; et, si l’étendue de la France et ses habitudes rendoient cette sorte de gouvernement inconciliable avec la tranquillité générale, au moins les esprits étaient-ils électrisés par les efforts individuels qu’excite toujours une république. Mais, après le despotisme militaire, et la tyrannie civile fondée sur l’intérêt personnel, de quelles vertus pouvoit-on trouver la trace dans les partis politiques dont le gouvernement impérial s’étoit entouré ? Les masses, dans tous les ordres de la société, soldats, paysans, gentilshommes, bourgeois, possèdent encore de grandes et belles qualités : mais ceux qui se sont mis en avant dans les affaires, présentent, à quelques exceptions près, le plus misérable des spectacles. Le lendemain de la chute de Bonaparte, il n’y avoit d’actif en France que Paris, et à Paris, que quelques milliers de solliciteurs demandant de l’argent et des places au gouvernement, quel qu’il pût être.

Les militaires étoient et sont encore ce qu’il y a de plus énergique dans un pays où, pendant longtemps, il n’a pu briller qu’une vertu, la bravoure. Mais ces guerriers, qui tenoient leur gloire de la liberté, devaient-ils porter l’esclavage chez les nations étrangères ? Ces guer-