Page:De Staël – La Révolution française, Tome III.djvu/82

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
75
SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

ceux qui ont publié de quelque manière leurs réflexions indépendantes. Nous avons certainement pour nous la raison de tous les temps, ce qui ne laisse pas d’être une légitimité comme une autre.

La religion étant un des grands ressorts de tout gouvernement, la conduite à tenir à cet égard devoit occuper sérieusement les ministres ; et le principe de la charte qu’ils devoient maintenir avec le plus de scrupule, c’étoit la tolérance universelle. Mais, parce qu’il existe encore dans le midi de la France quelques traces du fanatisme qui a si long-temps ensanglanté ces provinces ; parce que l’ignorance de quelques-uns de leurs habitans est égale à leur vivacité, falloit-il leur permettre d’insulter les protestans sur les places publiques par des chansons sanguinaires, annonçant les assassinats qui depuis ont été commis ? Les acquéreurs de biens du clergé ne devoient-ils pas frémir à leur tour, quand ils voyoient les protestans du Midi désignés aux massacres ? Les paysans, qui ne payent plus ni les dîmes ni les droits féodaux, ne voyoient-ils pas aussi leur cause dans celle des protestans, dans celle enfin des principes de la révolution, reconnus par le roi lui-même, mais éludés constamment par les ministres ? On se