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CONSIDÉRATIONS

sans que nous pussions leur dire une seule fois combien ces illustres tombeaux sont placés au-dessus de leurs indignes atteintes, et quels champions nous avons dans l’Europe et dans la postérité, pour le soutien de notre cause. Mais que faire, quand toutes les discussions sont commandées d’avance, et que nul accent de l’âme ne peut pénétrer à travers ces écrits assermentés à la bassesse ? Tantôt ils insinuoient les avantages de l’exil, ou discutoient les inconvéniens de la liberté individuelle. J’ai entendu proposer que le gouvernement consentît à la liberté de la presse, à condition qu’on lui accordât la détention arbitraire ; comme si l’on pouvoit écrire quand on est menacé d’être puni sans jugement pour avoir écrit !

Lorsque les partisans du despotisme se servent des baïonnettes, ils font leur métier ; mais, lorsqu’ils emploient des formes philosophiques pour établir leur doctrine, ils se flattent en vain de tromper ; on a beau priver les peuples de la lumière et de la publicité, ils n’en sont que plus défians ; et toutes les profondeurs du machiavélisme ne sont que de mauvais jeux d’enfans, à côté de la force magique et naturelle tout ensemble de la parfaite sincérité. Il n’y a point de secret entre les gouverne-